(...) « Des trous dans le ciel »

A l’époque y’en avait tout un tas qui bossaient dur comme saisonniers dans les champs. A force qu’ils en passaient du temps courbés à la tâche, leurs nuques étaient devenues aussi rêches qu’un bout de lard.

Depuis tout gosse dans le cœur d’un de ces gars grondait un orage sombre et violent. Cet homme du nom de « Père » avait une marque dans le regard, une p’tite anfractuosité, quelque chose de définitif et d’indélébile qui le rendait presque inquiétant, comme s’il portait en lui trop d’horizon et de rage pour un seul homme, et que ça ne demandait qu’à sortir de cette plaie, ce pus, mais pas gentiment d’une tape dans le dos non, violemment, d’un coup de fusil à bout portant, pas dans la gueule, non, dans le thorax ou dans les guiboles pour bien voir tout l’effet que ça fait dans le regard. Si tu vois pas ça dans le regard le coup de fusil c'que ça fait, ben c’est que de la charpie de viande, ça manque de sel, et nous autres ce qu’on aime par ici, vu qu’on traîne notre peau d’ennui la plupart du temps, c’est d'se rapprocher de nos gueules enfarinées pour bien sentir l’odeur de la peur et de la mort, voir à quoi ça ressemble notre sale race de raclures quand c’est tout près de rendre l’âme sur ses pieds comme un mauvais repas. (...)